Par le biais de nos visuels de communication, nous tenions à mettre en avant des femmes qui participent  au matrimoine carolo et à la réflexion plus large d’une ville inclusive. Voici leurs histoires.

Illustrations : Pauline Rivière

Paule Ingrand (1910 - 1997)

Née à Paris en 1910, Paulette-Jeanne Rouquié épouse en 1931 le célèbre maître-verrier et décorateur Max Ingrand.  A partir de là, elle signe sous le nom de Paule Ingrand. Ce couple emblématique du monde parisien de l’entre-deux-guerres se spécialise dans le travail du verre et du vitrail et développe ensemble des compositions gravées et argentées. 

Max est le technicien qui expérimente et réalise la gravure sur verre, Paule travaille à la conception des sujets et motifs qui animeront les verres. Paule est graphiste, peintre, fresquiste, et a une carrière très active, allant des pages de couverture du magazine Art et Industrie aux cartons de tapisserie, fresques et bijoux. Adeptes du classicisme, leurs motifs comprennent de nombreux sujets mythologiques et astrologiques. Ensemble, ils ont notamment œuvré au décor célèbre paquebot « Normandie ». 

Ce couple emblématique se sépare en 1939 pour finalement divorcé en 1945. L’année suivante, elle rejoint Charleroi pour diriger le département artistique des Verreries Gobbe-Hocquemiller à Lodelinsart, qui a été baptisé « Art et Verre ». Grâce à son charisme, Paule Ingrand a su se faire une place dans le monde de la verrerie, connu pour être très masculin. Elle a dirigé ce département d’une main de maître jusqu’à sa fermeture définitive en 1962 et a créé des œuvres aux qualités artistiques et esthétiques indéniables, qui méritent toute notre attention. Elle est décédée à Bruxelles en 1997.

 

Catherine Thomas – Conservatrice musée du verre – Charleroi 2023

KIMPA VITA

Kimpa Vita est une prophétesse et une résistante anti-colonisation de premier plan, dont l’héritage perdure dans l’histoire congolaise. 

Née à la fin du XVIIe siècle dans le royaume Kongo en pleine crise socio-politique, elle a su relever un défi majeur en reconstruisant la capitale Mbanza Kongo et en restaurant les valeurs culturelles de son royaume avec l’aide de ses disciples. 

Cependant, en 1706, elle fut tragiquement brûlée vive par des prêtres catholiques. Kimpa Vita, également connue sous le nom portugais Dona Beatriz, incarne une figure emblématique du Congo colonial, ayant fondé et dirigé le mouvement antonianiste qui a lutté courageusement pour la liberté et l’indépendance de son peuple contre la colonisation portugaise.

 

MARGUERITE JACOBS PAUWELS (1876 – 1969)

Marguerite Jacobs Pauwels naît à Nederboelaere (Flandre orientale), dans un milieu très bourgeois, proche de la famille royale belge. Curieusement, pour l’époque, elle prend le nom de ses deux parents : Jacobs-Pauwels.

En 1912, Marguerite travaille dans un établissement de cure et de repos « Ter Nood » à Bruxelles : elle y dirige le personnel et veille à l’observation des prescriptions et des traitements. En août 1914, elle obtient un « certificat de capacité pour infirmière » et lorsque la Belgique est envahie par les Allemands, elle se rend à Charleroi sous l’égide de la croix Rouge. Elle organise les secours aux blessés lors de la Bataille de Charleroi (du 21 au 23 août 1914). Une « ambulance » (poste de secours avancé) est alors installée à l’Hôpital Civil de Charleroi. Elle y est désignée en 1915 et s’installe à l’orphelinat alors situé rue du Fort.

Dès son entrée en fonction, elle réorganise complètement l’orphelinat, tant sur le plan de la prise en charge des enfants que de l’économat en prenant en compte, de manière assez inédite, les besoins individuels des enfants.

L’orphelinat ne peut cependant accueillir que les enfants issus de la commune de Charleroi. Marguerite Jacobs-Pauwels arrivera à lever les fonds pour la création du Foyer des Orphelins de Charleroi dans une propriété située à Nalinnes. Une institution proche des Foyers créés à Bruxelles sous l’égide d’Ovide Decroly (médecin et pédagogue bruxelloise).

Marguerite prend la direction du Foyer des orphelins de Charleroi, tout en restant Directrice de l’Orphelinat de la rue du Fort et mène un accompagnement pédagogique reconnu internationalement.

En 1922, elle crée  à Charleroi la première plaine de jeux installée en Belgique.

En 1924, elle s’engage publiquement dans différentes associations de lutte contre l’alcoolisme, le « péril vénérien », la tuberculose et devient membre du Conseil National des Femmes Belges, mouvement féministe créé par Marie Popelin en 1905.

En 1927, elle fonde et dirige un préventorium, le Gai-Séjour, à Coq-sur-Mer, destiné à accueillir les enfants atteints de tuberculose. Le Gai-séjour accueillera des enfants jusqu’en 1996.

Infatigable, elle fonde en 1945 l’OEuvre des Médailles de la Libération et du Triomphe, avec le soutien de la Reine Elisabeth, en faveur des blessé·e·s alliés, des mutilé·e·s des deux guerres et des martyrs des camps de concentration et de leurs veuves.

Marguerite décède le 4 mars 1969, à Braine-L’Alleud, à l’âge de 92 ans. Elle ne s’est jamais mariée, n’a jamais eu d’enfants. Toute sa vie a été consacrée à la défense des plus démunis : les enfants, les malades, les déshérité·e·s de la guerre.

Eglantine Petit (1907–1945)

Deux heures du matin, le 28 mars 1944, Eglantine et Oscar Petit, boulanger·e·s au 37 rue de la Régence, en plein centre de Charleroi, sont arrêté·e·s à leur domicile situé à l’étage de la boutique par la Gestapo, sous les yeux de leurs deux filles, Micheline Petit et Monique Petit. On les accuse d’être respectivement membre et chef d’une bande terroriste !

Derrière la façade de leur commerce, ielles hébergent des résistant·e·s traqué·e·s par la Gestapo et des aviateurs alliés. Ielles possèdent une deuxième cachette dans une cabane située à Gerpinnes. Ielles faisaient partie d’un plus large réseau de la résistance armée.

Après voir été dénoncée, emmenée à la prison de Charleroi et finalement transférée dans un camp de travail en Allemagne, Eglantine meurt dans une chambre à gaz au camp de Ravensbrück le 28 mars 1945. Oscar est assassiné au camp disciplinaire d’Ellerich-Mathausen le 13 mars 1945.

Une enquête est ouverte après la guerre par la commission de contrôle du ministère de la Reconstruction, afin que le statut de prisonnier·e politique et de Résistant·e soit accordé à titre posthume aux époux·ses Petit. La requête a évidemment abouti à cette juste reconnaissance.

Fait beaucoup plus exceptionnel, Eglantine et Oscar reçoivent une lettre de remerciement à titre posthume signée de la main du Général des Armées Dwight Eisenhower pour avoir sauvé des soldats et aviateurs alliés. Dans les archives de la famille Petit, on retrouve également un document reconnaissant leurs actes de Résistance de la part du Général De Gaulle.

Le 10 février 2018, deux pavés sont posés en la mémoire d’Oscar et Eglantine PETIT, rue de la Régence, n°37.

Margarida Waco

Margarida Waco vit actuellement à Stockholm en Suède, à quelques kilomètres (à peine) de Charleroi. Elle incarne, au sein de notre programmation, la ville de demain à travers son oeuvre pour une architecture, un territoire, une ville plus inclusive, intégrée et pensée par et pour toutes et tous. Elle est titulaire d’une maîtrise en architecture d’Aarhus et de KADK avec une spécialisation en architecture, planification et politique dans les pays du sud. Ses recherches, publications, design et conversations se basent sur ses expériences vécues dans de nombreux pays (de l’Angola au Congo, en passant par la France et le Danemark). Sa pratique de recherche consiste à enquêter sur les outils spatiaux de guerre et les paysages militarisés. Dans une perspective d’architecture et en rapport avec la question de la mémoire. Elle est actuellement dans la direction éditoriale de The Funambulist, après avoir été chargée de son rayonnement stratégique.

« réimaginer la ville / construire le sujet noir »

Une partie de ses réflexions et de son travail sera présentée durant le colloque du vendredi 23 septembre « Charleroi en mutation : une ville inclusive ? »