Par le biais de nos visuels de communication, nous tenions à mettre en avant des femmes qui participent au matrimoine carolo et à la réflexion plus large d’une ville inclusive. Voici leurs histoires.
Aimée Bologne – Lemaire est enseignante, militante politique et syndicale, féministe et socialiste. Elle est aussi résistante wallonne pendant la Deuxième Guerre mondiale.
Née en 1904 à Bruxelles, elle est l’une des rares femmes de son époque à décrocher un diplôme universitaire avec un doctorat en Philologie (1926).
Elle fait une brillante carrière dans l’enseignement. Professeure de latin, grec, français et histoire à l’École moyenne de l’État de Charleroi de 1926 à 1930, puis à l’Athénée d’Ixelles en 1943, elle occupe le poste de préfète de l’École supérieure pour filles (actuel Athénée Royal Vauban) de 1943 à 1960.
Très engagée et active dans différents mouvements wallons après la Libération, surnommée « la préfète rouge », Aimée Bologne-Lemaire quitte l’univers de l’enseignement au moment où éclate la grève wallonne contre la Loi unique.
Elle prend alors la direction de l’Institut Jules Destrée (dont elle est membre fondatrice) de 1961 à 1975. Elle s’attache à promouvoir une meilleure connaissance de l’histoire et des richesses de la Wallonie à travers diverses publications, conférences et expositions.
Epouse de Maurice Bologne qui partage sa vision du monde politique et syndical, elle appuie le travail de son mari, élu député du Rassemblement wallon en 1968.
Féministe militante, Aimée Bologne-Lemaire participe à la fondation de la section belge du « Mouvement de la Porte ouverte » qui lutte pour l’égalité des sexes dans la vie et le travail. Elle anime en outre la Commission féminine fédérale du Rassemblement Wallon en 1968 et organise l’importante Journée des Femmes du 19 avril 1975 à Namur.
Aimée Bologne-Lemaire est aussi une résistante de la première heure. Dès septembre 1940, elle s’engage dans la Résistance et diffuse de la presse clandestine avant de rejoindre les Milices Patriotiques, puis enfin le Front de l’Indépendance en 1942.
Elle profite de son statut de préfète à Charleroi pour développer une cellule très active de La Wallonie Libre. Elle empêche ainsi l’incorporation d’anciennes étudiantes au Service du Travail Obligatoire (STO) instauré par l’occupant allemand en 1942.
Aimée décède en 1998 à l’âge de 94 ans.
Véronique Clette-Gakuba est chercheuse en sociologie à l’Université libre de Bruxelles (ULB) et membre du centre de recherche METICES depuis plus de 15 ans. Ses travaux se concentrent sur les dynamiques de l’anti-noirceur et la colonialité du pouvoir, avec un intérêt particulier pour Bruxelles en tant que métropole postcoloniale.
À travers l’examen de ses travaux, nous observons que ces dynamiques se reflètent aussi dans l’espace public, en particulier à travers la création artistique et la culture. Ces domaines deviennent ainsi des plateformes de revendication politique, de mémoire et de réparation. Véronique est également active au sein du collectif Présences Noires, où elle examine les intersections entre racisme, art et culture.
En juin 2023, elle a soutenu avec succès sa thèse de doctorat intitulée « Épreuves de colonialité dans l’art et la culture. Faire exister un monde noir à Bruxelles », apportant une contribution majeure à la compréhension des conditions postcoloniales en Belgique.
Véronique Clette-Gakuba apporte une perspective unique et essentielle aux réflexions sur l’occupation de l’espace public, ancrant ses recherches dans une démarche de transformation sociale et de justice. Cette démarche résonne fortement avec les actions et les objectifs que nous visibilisons et valorisons lors des journées du matrimoine.
Le 30 septembre 1822, la vicomtesse Eulalie de Propper de Hun obtient par arrêté royal la concession des mines de houille situées sous les bois qu’elle a hérités de son cousin, le baron de Cazier. Le charbonnage du Bois du Cazier, associé généralement à un monde d’hommes, est donc né de la volonté d’une femme.
En 1782, Eulalie, âgée de 24 ans, a épousé son cousin Jean-Joseph Desmanet de Virelles. Il a plus du double de son âge. Il est issu d’une longue et riche lignée de maîtres de forges, anoblie à la génération précédente. Jean-Joseph est ainsi propriétaire d’unités de production et de transformation du fer (haut-fourneau et forges) dans la région de Chimay-Couvin.
Après le décès de Jean-Joseph survenu en 1810, Eulalie poursuit l’activité sidérurgique de son défunt mari et devient maîtresse de forges. Le charbon est déjà utilisé au Moyen Âge comme combustible pour les opérations de transformation du fer. C’est peut-être dès lors pour alimenter ses forges qu’Eulalie se lance dans l’aventure de l’extraction charbonnière ; ou encore pour diversifier les activités industrielles de la famille. Son statut de veuve lui donne, en remplacement de son mari, la possibilité de diriger des industries, fonction réservées en principe à cette époque aux hommes.
A sa mort en 1826, elle lègue le charbonnage du Bois du Cazier à son fils et sa fille. Sa famille est actionnaire majoritaire lors de la constitution du charbonnage en société anonyme en 1874.
Kimpa Vita est une prophétesse et une résistante anti-colonisation de premier plan, dont l’héritage perdure dans l’histoire congolaise.
Née à la fin du XVIIe siècle dans le royaume Kongo en pleine crise socio-politique, elle a su relever un défi majeur en reconstruisant la capitale Mbanza Kongo et en restaurant les valeurs culturelles de son royaume avec l’aide de ses disciples.
Cependant, en 1706, elle fut tragiquement brûlée vive par des prêtres catholiques. Kimpa Vita, également connue sous le nom portugais Dona Beatriz, incarne une figure emblématique du Congo colonial, ayant fondé et dirigé le mouvement antonianiste qui a lutté courageusement pour la liberté et l’indépendance de son peuple contre la colonisation portugaise.
Quels liens avec Charleroi ? Vous le découvrirez bientôt aux alentours du Parc de Couillet mais pour l’instant, on ne peut rien dire 😀
Illustration : Charlotte Vandriessche
Née à Paris en 1910, Paulette-Jeanne Rouquié épouse en 1931 le célèbre maître-verrier et décorateur Max Ingrand. A partir de là, elle signe sous le nom de Paule Ingrand. Ce couple emblématique du monde parisien de l’entre-deux-guerres se spécialise dans le travail du verre et du vitrail et développe ensemble des compositions gravées et argentées.
Max est le technicien qui expérimente et réalise la gravure sur verre, Paule travaille à la conception des sujets et motifs qui animeront les verres. Paule est graphiste, peintre, fresquiste, et a une carrière très active, allant des pages de couverture du magazine Art et Industrie aux cartons de tapisserie, fresques et bijoux. Adeptes du classicisme, leurs motifs comprennent de nombreux sujets mythologiques et astrologiques. Ensemble, ils ont notamment œuvré au décor célèbre paquebot « Normandie ».
Ce couple emblématique se sépare en 1939 pour finalement divorcé en 1945. L’année suivante, elle rejoint Charleroi pour diriger le département artistique des Verreries Gobbe-Hocquemiller à Lodelinsart, qui a été baptisé « Art et Verre ». Grâce à son charisme, Paule Ingrand a su se faire une place dans le monde de la verrerie, connu pour être très masculin. Elle a dirigé ce département d’une main de maître jusqu’à sa fermeture définitive en 1962 et a créé des œuvres aux qualités artistiques et esthétiques indéniables, qui méritent toute notre attention. Elle est décédée à Bruxelles en 1997.
Catherine Thomas – Conservatrice musée du verre – Charleroi 2023
Illustration : Charlotte Vandriessche
Marguerite Jacobs Pauwels naît à Nederboelaere (Flandre orientale), dans un milieu très bourgeois, proche de la famille royale belge. Curieusement, pour l’époque, elle prend le nom de ses deux parents : Jacobs-Pauwels.
En 1912, Marguerite travaille dans un établissement de cure et de repos « Ter Nood » à Bruxelles : elle y dirige le personnel et veille à l’observation des prescriptions et des traitements. En août 1914, elle obtient un « certificat de capacité pour infirmière » et lorsque la Belgique est envahie par les Allemands, elle se rend à Charleroi sous l’égide de la croix Rouge. Elle organise les secours aux blessés lors de la Bataille de Charleroi (du 21 au 23 août 1914). Une « ambulance » (poste de secours avancé) est alors installée à l’Hôpital Civil de Charleroi. Elle y est désignée en 1915 et s’installe à l’orphelinat alors situé rue du Fort.
Dès son entrée en fonction, elle réorganise complètement l’orphelinat, tant sur le plan de la prise en charge des enfants que de l’économat en prenant en compte, de manière assez inédite, les besoins individuels des enfants.
L’orphelinat ne peut cependant accueillir que les enfants issus de la commune de Charleroi. Marguerite Jacobs-Pauwels arrivera à lever les fonds pour la création du Foyer des Orphelins de Charleroi dans une propriété située à Nalinnes. Une institution proche des Foyers créés à Bruxelles sous l’égide d’Ovide Decroly (médecin et pédagogue bruxelloise).
Marguerite prend la direction du Foyer des orphelins de Charleroi, tout en restant Directrice de l’Orphelinat de la rue du Fort et mène un accompagnement pédagogique reconnu internationalement.
En 1922, elle crée à Charleroi la première plaine de jeux installée en Belgique.
En 1924, elle s’engage publiquement dans différentes associations de lutte contre l’alcoolisme, le « péril vénérien », la tuberculose et devient membre du Conseil National des Femmes Belges, mouvement féministe créé par Marie Popelin en 1905.
En 1927, elle fonde et dirige un préventorium, le Gai-Séjour, à Coq-sur-Mer, destiné à accueillir les enfants atteints de tuberculose. Le Gai-séjour accueillera des enfants jusqu’en 1996.
Infatigable, elle fonde en 1945 l’OEuvre des Médailles de la Libération et du Triomphe, avec le soutien de la Reine Elisabeth, en faveur des blessé·e·s alliés, des mutilé·e·s des deux guerres et des martyrs des camps de concentration et de leurs veuves.
Marguerite décède le 4 mars 1969, à Braine-L’Alleud, à l’âge de 92 ans. Elle ne s’est jamais mariée, n’a jamais eu d’enfants. Toute sa vie a été consacrée à la défense des plus démunis : les enfants, les malades, les déshérité·e·s de la guerre.
Illustration : Charlotte Vandriessche
Deux heures du matin, le 28 mars 1944, Eglantine et Oscar Petit, boulanger·e·s au 37 rue de la Régence, en plein centre de Charleroi, sont arrêté·e·s à leur domicile situé à l’étage de la boutique par la Gestapo, sous les yeux de leurs deux filles, Micheline Petit et Monique Petit. On les accuse d’être respectivement membre et chef d’une bande terroriste !
Derrière la façade de leur commerce, ielles hébergent des résistant·e·s traqué·e·s par la Gestapo et des aviateurs alliés. Ielles possèdent une deuxième cachette dans une cabane située à Gerpinnes. Ielles faisaient partie d’un plus large réseau de la résistance armée.
Après voir été dénoncée, emmenée à la prison de Charleroi et finalement transférée dans un camp de travail en Allemagne, Eglantine meurt dans une chambre à gaz au camp de Ravensbrück le 28 mars 1945. Oscar est assassiné au camp disciplinaire d’Ellerich-Mathausen le 13 mars 1945.
Une enquête est ouverte après la guerre par la commission de contrôle du ministère de la Reconstruction, afin que le statut de prisonnier·e politique et de Résistant·e soit accordé à titre posthume aux époux·ses Petit. La requête a évidemment abouti à cette juste reconnaissance.
Fait beaucoup plus exceptionnel, Eglantine et Oscar reçoivent une lettre de remerciement à titre posthume signée de la main du Général des Armées Dwight Eisenhower pour avoir sauvé des soldats et aviateurs alliés. Dans les archives de la famille Petit, on retrouve également un document reconnaissant leurs actes de Résistance de la part du Général De Gaulle.
Le 10 février 2018, deux pavés sont posés en la mémoire d’Oscar et Eglantine PETIT, rue de la Régence, n°37.
Illustration : Pauline Rivière
Margarida Waco vit actuellement à Stockholm en Suède, à quelques kilomètres (à peine) de Charleroi. Elle incarne, au sein de notre programmation, la ville de demain à travers son oeuvre pour une architecture, un territoire, une ville plus inclusive, intégrée et pensée par et pour toutes et tous. Elle est titulaire d’une maîtrise en architecture d’Aarhus et de KADK avec une spécialisation en architecture, planification et politique dans les pays du sud. Ses recherches, publications, design et conversations se basent sur ses expériences vécues dans de nombreux pays (de l’Angola au Congo, en passant par la France et le Danemark). Sa pratique de recherche consiste à enquêter sur les outils spatiaux de guerre et les paysages militarisés. Dans une perspective d’architecture et en rapport avec la question de la mémoire. Elle est actuellement dans la direction éditoriale de The Funambulist, après avoir été chargée de son rayonnement stratégique.
« réimaginer la ville / construire le sujet noir »
Une partie de ses réflexions et de son travail sera présentée durant le colloque du vendredi 23 septembre « Charleroi en mutation : une ville inclusive ? »
Illustration : Pauline Rivière
Hanna Voos (de son vrai nom Lucienne Jeanne Devos1) est une danseuse, chorégraphe et pédagogue belge née à Houdeng-Gœgnies le 14 mai 1910 et morte à Charleroi le 17 mars 1990.
Elle début sa carrière professionnelle en tant que secrétaire de notaire dans un bureau de charbonnage des Patrons Charbonniers du Hainaut. Parallèlement,elle donne des cours de danse et suit des cours d’économie.
En 1938, elle ouvre son propre studio de danse installé dans sa maison. Elle donne cours aux jeunes filles de la région. Ses premiers spectacles rencontrent un certain succès et tournent en Belgique, mais sa troupe est majoritairement composée de filles qu’elle travestit donc en garçons pour certains rôles masculins. Hanna Voos décide alors de donner des cours aux joueurs d’un club de foot avec l’espoir de faire des danseurs de ces jeunes athlètes1 !
Le niveau de sa troupe est tel qu’elle rejoint dès 1943 les tournées Lucien Noël. Hanna sera ensuite engagée comme maîtresse de ballet au Théâtre de Namur et pour d’autres théâtres notamment le théâtre de Mons (1950). À l’ouverture du PBA de Charleroi, en 1957, elle devient directrice de la danse. Après 2 ans, elle réunit les compagnies (Mons-Charleroi) et crée le Ballet du Hainaut en novembre 1959. Quelques années plus tard, l’asbl Ballet de Wallonie est créée, réunissant les troupes de Liège, Mons et Charleroi. Une troupe qui tournera dans de nombreux pays, développant une réputation internationale ; elle deviendra plus tard Ballet royal de Wallonie1.
Hanna Voos a œuvré à la démocratisation de la danse en proposant des spectacles de qualité dans tout le pays afin d’intéresser un public toujours plus large. Elle créa principalement des ballets pour opéras et opérettes et monte de nombreux ballets (Les Porcelaines de Tournay, Le Bal des Ombres, Coppélia, Les Variations symphoniques, Boléro et La Petite Mendiante.)